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Mijac3
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11 août 2009

Moonwalk: L'autobiographie de Michael Jackson.

Voici pour vous le troisième chapitre de l'autobiographie "Moonwalk" de Michael Jackson. Bonne lecture à tous.

Bête de scène (Chapitre 3, en entier)

La presse écrit les choses les plus bizarres sur mon compte, continuellement. Je ne
supporte pas que l’on déforme la réalité et je ne lis jamais ce que l’on écrit sur moi,
même si on m’en parle souvent.

Je ne comprends pas pourquoi les journalistes éprouvent le besoin d’inventer des
choses sur moi. Je suppose que s’ils ne trouvent rien de scandaleux à raconter, il
leur faut susciter l’intérêt d’une manière ou d’une autre, tout bien considéré. Je suis
fier pourtant d’avoir pu en sortir pas trop mal. Bon nombre d’enfants dans le show-
business ont fini dans la drogue : Frankie Lymon, Bobbie Dirscoll, etc. Je peux
comprendre cette attitude car c’est très dur de supporter un tel stress quand on est
très jeune. C’est une vie difficile. Très peu de gens réussissent à avoir une enfance
normale.

Moi, je n’ai jamais essayé la drogue, sous aucune forme, marijuana, cocaïne, rien. Je
le dis tout net, je n’ai jamais ESSAYÉ ! Ça ne m’intéresse pas du tout.

Ce n’est pas que je n’aie pas été tenté. Quand on est musicien, la drogue est à notre
portée, il n’y a qu’à tendre la main. Je ne veux pas avoir l’air de porter des jugements
sur les autres, ce n’est pas un problème de moralité pour moi, mais j’ai vu tellement
de gens détruits par la drogue que je refuse d’y toucher. Bien sûr, je ne suis pas un
ange, et j’ai mes défauts et mes points faibles, mais la drogue n’en fait pas partie.
Quand " Ben " est sorti, nous savions mes frères et moi que nous allions voyager
dans le monde entier. La musique soul américaine était devenue aussi populaire
dans les autres pays que les jeans et les hamburgers. Nous étions invités à visiter
d’autres continents, et en 1972, nous avons commencé nos grandes tournées
internationales par l’Angleterre. Bien que nous n’y soyons jamais allés, les gens
connaissaient tous les textes de nos chansons. Pourtant nous n’y avions jamais fait
de télé. Ils avaient de grandes écharpes avec nos photos et nos noms " Jackson 5 "
imprimés en lettres géantes. Les salles de concerts étaient plus petites qu’aux États-
Unis, mais l’enthousiasme du public explosait à la fin de chaque chanson. C’était
vraiment très agréable. Ils ne criaient pas pendant que nous chantions comme ils
font aux USA, et ils pouvaient de rendre compte à quel point Tito était un grand
guitariste, car ils l’écoutaient.

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Nous avions emmené Randy avec nous parce que nous voulions lui donner un peu
d’expérience. Il ne faisait pas officiellement partie du contrat, mais il restait à l’arrière
du groupe, et il jouait des bongos sur scène. Il avait le même costume que nous et
quand nous le présentions au public, il était acclamé. La tournée suivante, Randy
faisait partie du groupe. Moi-même, j’avais joué les bongos avant Randy, et Marlon
les avait joués avant moi. C’était une tradition de faire démarrer le plus jeune sur ces
petites percussions marrantes.

Nous avions trois années de succès derrière nous quand nous avons fait notre
première tournée en Europe, et c’était suffisant pour contenter, à la fois les jeunes
qui aimaient notre musique, et la reine d’Angleterre que nous avons rencontrée lors

d’un gala spécialement organisé pour la circonstance. C’était vraiment très excitant
pour nous. J’avais vu, sur des photos, d’autres groupes, comme les Beatles,
rencontrer la reine, mais je n’aurais jamais rêvé avoir la chance de jouer pour elle.
L’Angleterre fut notre point de départ dans cette découverte des autres pays, et plus
nous avons voyagé, plus nous avons trouvé d’exotisme et de différences avec notre
pays. Nous avons visité les grands musées à Paris et les montagnes splendides de
la Suisse nous ont émerveillés. L’Europe nous a enseigné les racines de la culture
occidentale, et cela nous a préparé, dans une certaine mesure à la visite des pays
de l’Orient qui s’intéressent d’avantage à la spiritualité. J’ai été très impressionné
dans ces pays, de voir que les gens attachaient plus d’importance aux animaux et à
la nature, qu’aux valeurs matérielles. Par exemple, le Japon et la Chine m’ont
apporté beaucoup parce que j’y ai compris que la vie, c’est autre chose que ce que
l’on peut voir et toucher. Dans tous ces pays, les gens avaient entendu parler de
nous et ils aimaient notre musique.

L’Australie et la Nouvelle-Zélande, nos arrêts suivants, étaient anglophones, mais
nous avons rencontré des tribus, dans les terres, qui vivaient encore de façon
primitive. Ils nous ont accueillis comme des frères, bien que nous ne parlions pas
leur langue. S’il me fallait des preuves que les hommes sont frères, je l’ai eues au
cours de cette tournée.

Puis ce fut l’Afrique. Nous avions lu des choses sur l’Afrique parce que notre
professeur, Mlle Fine, nous préparait des leçons sur chaque pays que nous devions
visiter, portant sur la géographie, l’histoire, et les coutumes de ces pays. Nous
n’avons pas pu voir les plus belles régions de l’Afrique, mais l’océan, la plage, et les
gens étaient d’une beauté incroyable, là où nous nous trouvions. Un jour nous avons
visité une réserve d’animaux avec des fauves en liberté. Nous étions émerveillés. La
musique était extraordinaire, et les rythmes, à couper le souffle. Quand nous
sommes descendus d’avion le premier jour, nous avons été accueillis par une longue
file d’Africains en costumes chatoyants, avec leurs tambours et leurs percussions. Ils
dansaient tout autour de nous et c’est un spectacle que je n’oublierai jamais. Quelle
merveilleuse façon de nous accueillir en Afrique !

Et les artisans sur les places de marchés étaient incroyables ; ils fabriquaient des
objets sous nos yeux et les vendaient en même temps. Je me souviens d’un homme
qui sculptait dans le bois. Il demandait ce qu’on voulait et quand on lui demandait : "
un visage d’homme ", il détachait un morceau de bois, sur un tronc d’arbre et en
quelques coups de machette et de burin, il vous faisait ce que vous lui aviez
demandé. Je me suis assis pour l’observer et je l’ai vu faire ça des dizaines de fois. Il
était capable de reproduire tout ce qu’on lui demandait.

C’est en visitant le Sénégal que nous avons compris que notre héritage africain nous
avait permis de faire de nous ce que nous étions. Nous avons visité un ancien camp
d’esclaves abandonné à Gore Island et nous avons été très ébranlés par cette visite.
Le peuple africain nous a donné l’exemple du courage et de l’endurance et nous ne
saurons jamais assez leur revaloir cette grâce.

Je suis sûr que si Motown avait pu agir sur notre âge à leur gré, ils auraient aimé que
Jackie ne vieillisse pas et que chacun de nous le rattrape, à part moi, car je pense
qu’ils auraient bien aimé me voir rester un enfant-star. Ça peut paraître insensé, mais
quand je pense à la façon dont ils nous manipulaient, en nous empêchant de devenir

un groupe autonome, avec notre propre ligne de conduite, et nos idées, je ne suis
pas loin de la marque. Nous grandissions en taille, en âge et en créativité. Nous
avions beaucoup d’idées que nous désirions expérimenter, mais ils nous freinaient
car ils prétendaient qu’on ne peut pas bousculer une formule de succès qui a fait ses
preuves, sans risquer de tout compromettre. Du moins, ils ne nous ont pas laissé
tomber comme on nous l’avait prédit quand ma voix a changé.

C’était arrivé à un point où il y avait plus de types avec nous dans la cabine que dans
le studio. Ils butaient les uns sur les autres pour nous donner des conseils et diriger
notre musique.

Nos fans inconditionnels ont aimé nos disques comme " I Am Love" et " Skywriter ".
Ces chansons étaient des titres ambitieux de pop music, avec des arrangements de
cordes, très élaborés, mais ce n’était pas pour nous. C’est certain, nous ne pouvions
pas faire des " ABC " toute notre vie, c’est la dernière chose que nous souhaitions,
mais nos plus anciens fans trouvaient qu’" ABC " nous ressemblait davantage, que
c’était plus fort et il nous a bien fallu reconnaître que c’était vrai. Vers le milieu des
années 70, on était sur le point de devenir démodés, et je n’avais même pas encore
dix-huit ans !

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Quand Jermaine a épousé Hazel Gordy, la fille de notre patron, les gens nous ont
taquinés, comme si ça allait nous rendre les choses encore plus faciles. Bien sûr,
quand le disque " Get It Together " est sorti en 1973, il a reçu le même accueil que " I
Want You Back ". C’était notre plus grand succès depuis deux ans, même si ce
n’était pas une révélation comme l’avait été notre premier hit. Et pourtant, " Get It
Together " avait des harmonies discrètes, une guitare wah-wah plus aiguë, et des
cordes qui crépitaient. Les stations de radio l’ont aimé, mais pas autant que les clubs
où on passait du disco. Motown a fait pas mal de chemin depuis l’époque où les
musiciens de studio arrondissaient leur fin de mois en jouant dans les clubs et les
bowlings du coin. La musique de " Dancing Machine " s’était transformée à l’aide de
nouvelles machines. Dans ce titre la section de cuivres est la meilleure qu’on ait
jamais eue, et il y avait des effets aquatiques, dans le pont, programmés par un
synthétiseur qui empêchait la chanson d’avoir l’air démodé. La musique disco était
très critiquée, mais pour nous, ce fut le rite de passage au monde adulte.

J’ai adoré " Dancing Machine ", le groove et l’émotion de cette chanson. Quand elle
est sortie en 1974, j’étais décidé à trouver les mouvements de danse qui la
mettraient en valeur, la rendraient plus excitante à interpréter, et à regarder.

Aussi, quand on a chanté " Dancing Machine " à l’émission " Soul Train ", j’ai dansé
un mouvement de chorégraphie de rue qui s’appelait le " Robot ". C’est là que j’ai
compris l’impact de la télévision. Du jour au lendemain, " Dancing Machine " est
devenu premier au palmarès, et quelques jours plus tard, tous les mômes des USA
dansaient le " Robot ". Je n’avais jamais vu une chose pareille.

Motown et les Jackson 5 se sont mis d’accord sur la venue de deux nouveaux
éléments : Randy, qui avait fait la tournée avec nous, et Janet qui avait beaucoup de
talent pour la danse et le chant. Mais ce n’est pas parce qu’ils étaient du même sang
que nous, qu’ils ont trouvé leur place automatiquement dans notre groupe, comme si
on la leur avait mis au chaud. Ils ont travaillé très dur, en plus du talent considérable
qu’ils ont tous les deux. Ils ne sont pas là parce qu’ils ont partagé les mêmes repas,
les mêmes jouets et les mêmes vêtements que nous !...

Si on se fiait à l’hérédité, on pourrait dire que, en principe, j’aurais dû avoir autant de
talent pour être conducteur de grue, que pour être chanteur. On ne peut pas évaluer
les choses ainsi. Papa nous a fait travailler très dur et il a échafaudé ses rêves,
chaque nuit, en ne perdant pas de vue le but.

Tout comme le disco semblait une musique réservée aux adultes, et non pas faite
pour être chantée par un groupe de gamins, Las Vegas ne semblait pas l’endroit
idéal pour nous y faire chanter. C’est du moins ce que pensaient les gens de Motown
qui étaient très réticents à l’idée de nous voir dans les salles publiques, où, à part le
jeu, il n’y avait pas grand-chose à faire. Mais nous étions persuadés que les théâtres
de cette ville n’étaient rien d’autre que de grands clubs du même genre que ceux où
nous avions joué à Gary et à Chicago, sauf que la clientèle était surtout composée
de touristes. Les touristes étaient une très bonne clientèle pour nous, parce qu’ils
connaissaient tous nos tubes, qu’ils écoutaient avec attention nos plaisanteries, et
nos nouvelles chansons, sans s’ennuyer. Ils étaient aux anges quand Janet entrait
en scène en costume de Mae West pour un ou deux titres.

On avait déjà fait des numéros de ce genre dans une émission de télé, en 1971, qui
s’appelait " Retour en Indiana " et qui célébrait notre retour à Gary pour la première
fois depuis nos débuts. A cette époque-là nous étions connus dans le monde entier
déjà et nous avions décidé d’y retourner pour une visite " médiatisée ".

Quand on pouvait jouer et chanter à neuf sur une scène au lieu de cinq, sans
compter les invités surprise, c’était vraiment bien. Papa triomphait d’orgueil en nous
voyant tous alignés sur le même plateau. Ces spectacles de Las Vegas ont été une
expérience inoubliable. Nous n’avions pas la pression des foules de concerts, qui ne
veulent entendre que les hits et rien d’autre. Nous ne nous préoccupions pas de ce
que faisaient les uns et les autres. Il y avait même une ou deux ballades dans le tour
de chant qui me permettaient de placer ma nouvelle voix. A quinze ans, je devais
déjà penser à tout ça.

Il y avait des gens de la télévision CBS pendant nos spectacles de Las Vegas et ils
sont venus nous trouver pour nous proposer de faire des spectacles pour l’été
suivant. C’était très agréable pour nous d’être considérés comme des gens de
spectacle plus que comme un simple groupe de Motown. C’était tout à notre
avantage pour la suite des événements. Comme nous avions pris le contrôle de
notre spectacle à Las Vegas, c’était devenu de plus en plus difficile de retomber
dans le manque de liberté que nous avions à Los Angeles. Bien sûr, notre gagne-
pain était là, et nous ne pouvions pas trop tirer sur la ficelle. Parfois j’avais
l’impression d’être encore à l’époque où j’étais un petit garçon qui vivait chez Berry
Gordy, et depuis que Jermaine était son gendre, notre frustration augmentait d’autant
plus.

Il y avait déjà des signes de changement dans les institutions de Motown. Marvin
Gaye réalisa sa propre musique et produisit son album " What’s Goin’on ", qui est un
chef-d’oeuvre. Stevie Wonder découvrait les claviers électroniques et il devenait
tellement génial en prise de son que les ingénieurs les plus expérimentés venaient
lui demander conseil. Un de nos derniers souvenirs de la période Motown fut quand
nous avons chanté les choeurs d’un titre très engagé de Stevie " You Haven’t Done
Nothin’ ". Bien que Stevie et Marvin appartiennent encore à Motown, ils avaient

combattu et obtenu le droit de faire leurs propres disques, et même d’éditer leurs
chansons. Motown ne leva même pas le petit doigt dans ce sens pour nous. Pour
eux, nous étions encore des mômes, même s’ils ne nous habillaient plus et ne nous "
protégeaient " plus comme avant.

Nos problèmes avec Motown ont commencé en 1974 lorsqu’on leur a dit qu’on
voulait écrire et réaliser nos propres chansons. Au fond, nous n’aimions pas la façon
dont notre musique sonnait à cette époque-là. Nous étions extrêmement compétitif et
nous sentions le danger, car d’autres groupes qui créaient des sons plus neufs,
risquaient de nous dépasser.

Les gens de Motown nous ont déclaré : " Pas question que vous écriviez vos
chansons ; vous avez des professionnels pour ça. " Non seulement ils refusèrent,
mais c’était devenu un sujet tabou. J’étais découragé et je n’aimais plus du tout le
matériel que l’on nous proposait. Finalement, j’en ai eu tellement marre que j’ai
décidé de les laisser tomber.

Quand je sens que quelque chose ne va pas, je le dis. Je sais que la plupart des
gens ignorent à quel point je peux être obstiné et dur. C’est parce qu’ils ne me
connaissent pas. Nous étions tous malheureux, mes frères et moi, mais personne ne
disait rien. Ni mes frères, ni mon père. Alors, j’ai demandé un rendez-vous avec
Berry Gordy pour lui parler. C’est moi qui lui ai dit que nous tous, les Jackson 5,
allions quitter Motown. Je suis allé le trouver et face à face, je lui ai dit la vérité et ça
été une des choses les plus pénibles que j’ai jamais faites. Si j’avais été seul à
souffrir de la situation, je me serais tu, mais nous étions TOUS malheureux et
insatisfaits et je lui ai dit. Je lui ai dit que j’étais malheureux...

Il faut vous rappeler que j’aime Berry Gordy. Je pense que c’est un génie, un des
géants dans ce domaine. Je n’ai que du respect pour cet homme brillant, mais ce
jour-là, j’étais comme un lion. Je me suis plaint de ce que nous ne pouvions, ni
écrire, ni réaliser nos chansons comme nous le souhaitions. Il m’a répondu qu’il était
persuadé que nous avions encore besoin de professionnels pour nous aider à faire
des hits.

Mais c’est moi qui avais raison. Berry était en colère. Ce fut une rencontre très
pénible, mais nous sommes redevenus amis aujourd’hui, et il est encore comme un
père pour moi, fier de moi et de mes succès. En tout cas, j’aimerai toujours Berry
parce qu’il m’a appris les choses les plus précieuses que j’aie eu l’occasion
d’apprendre dans mon métier. C’est lui qui a dit que les Jackson 5 marqueraient
l’histoire et c’est exactement ce qui s’est passé. Motown a fait connaître tellement de
gens de talent que je serai éternellement reconnaissant à Berry d’avoir présenté
notre groupe au public. Ma vie n’aurait pas été la même sans lui. C’est Motown qui
nous a aidés à percer, et c’est chez eux que nous avons nos racines. Nous aurions
aimé y rester, mais le changement est une chose inévitable. Je suis une personne du
présent, et je me demande constamment : " Qu’est-ce qui se passe en ce moment ?
Qu’est-ce qui peut se passer demain, qui va changer ce qui s’est passé hier ? ".

C’est très important pour un artiste de maintenir le contrôle de sa vie et de son
travail. Il y a eu, et il y a sûrement encore, des artistes qui se font exploiter parce
qu’ils ont les mains liées. J’ai appris à me battre pour que les autres ne m’empêchent
pas de faire ou de croire ce que je pense être juste, sans me soucier des
conséquences. On aurait pu rester à Motown, mais si on l’avait fait, on aurait disparu
dans le musée des " rossignols " et des " has been ".
Ma décision de changement était prise, et nous avons suivi nos instincts. C’était déjà
gagné quand on a pris un nouveau départ avec un label, Epic.
Nous étions soulagés d’avoir enfin coupé les liens qui nous retenaient prisonniers,
mais ce fut un drame quand Jermaine décida de rester chez Motown. Il était le
gendre de Berry, et sa situation était beaucoup plus compliquée que la nôtre. Il
pensait que c’était plus important pour lui de rester et Jermaine a toujours fait ce que
sa conscience lui dictait, et il a quitté le groupe.

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Je me rappelle clairement le premier spectacle que nous avons fait sans lui parce
que c’était très pénible pour moi. Depuis que j ‘étais sur une scène, et même quand
on répétait chez nous à Gary dans la salle de séjour, Jermaine se tenait à ma
gauche avec sa basse. Pour moi, tout reposait sur la présence de Jermaine à côté
de moi. Et quand j’ai fait ce spectacle pour la première fois, sans lui, c’est comme si
j’avais été tout nu sur la scène. Il a donc fallu mettre le paquet encore davantage
pour compenser la perte d’une de nos plus brillantes étoiles, Jermaine. Je me
souviens très bien de ce show parce qu’on a reçu trois " ovations-debout ". On a
travaillé DUR.
Quand Jermaine a quitté le groupe, Marlon a pris sa place et il a vraiment éclaté sur
scène. Mon frère Randy a pris officiellement ma place, comme joueur de bangos et
benjamin du groupe. Vers cette époque, on s’est fourrés dans un pétrin inextricable
en acceptant de faire une série d’émissions télévisées pour l’été. Ce fut une erreur
stupide et je regrette chaque minute que j’y ai passée.

J’avais adoré le dessin animé télévisé qui avait été fait des Jackson 5, et je m ‘étais
dit " Je suis un personnage de dessin animé ". Mais cette série télévisée, je le
sentais, allait faire plus de tort que de bien à notre carrière. C’est la pire chose qui
puisse arriver à un artiste de variétés. Je n’arrêtais pas de dire. " Ça va faire
dégringoler nos ventes de disques " et les autres disaient : " Mais non, au contraire,
c’est de la promo... "

Ils se sont plantés complètement. Nous étions habillés avec des costumes ridicules
et nous devions jouer des stupidités, avec des rires en boîte. Tout était bidon. Nous
n’avions pas le temps de répéter, d’apprendre nos textes et la télé était une
nouveauté pour nous. Il fallait créer trois numéros de danse en une seule journée.
L’audimat contrôlait notre cote de popularité d’une semaine à l’autre. Je ne referai
jamais une chose pareille. Ça ne mène nulle part. Il s’agit principalement d’un

phénomène psychologique. Vous débarquez chaque semaine dans la vie des gens
et ils commencent à croire qu’ils vous connaissent trop bien. A force de faire les
guignols avec des rires préenregistrés pour faire croire qu’il s’agit d’une comédie,
votre musique en prend un coup, la crédibilité aussi.. Et quand il faut reprendre sa
carrière après une telle surexposition, c’est vraiment difficile d’être pris au sérieux. Le
public croit que vous êtes un rigolo, comme dans tous ces sketches minables où une
semaine on vous déguise en Père Noël, la semaine suivante, vous êtes le Prince
Charmant, et la semaine d’après, on vous déguise en gros lapin blanc.

C’est comme ça qu’on perd son identité dans ce métier : l’image du rocker a disparu.
Je ne suis pas un comique. Je ne suis pas un présentateur de spectacles. Je suis un
musicien. C’est pour ça que j’ai toujours refusé de participer aux remises d’Oscar et
autres récompenses en tant qu’animateur. Cela vaut-il vraiment la peine pour moi
d’aller là et de balancer deux ou trois vannes, pour obliger les gens à rire sous
prétexte que je suis Michael Jackson, quand je sais pertinemment que je ne suis pas
drôle ?

Après notre show télévisé, je me souviens d’avoir joué dans des salles à moitié
vides. Cette expérience m’a servi de leçon et j’ai formellement refusé de résigner un
contrat avec cette chaîne de télévision par la suite. J’ai expliqué à mon père et à mes
frères que nous avions fait une grosse erreur, et ils ont compris mon point de vue. En
réalité j’avais eu de mauvais pressentiments avant de faire ce spectacle, mais j’avais
fini par tenter le coup parce que tout le monde était persuadé que ça serait une
bonne expérience pour nous.

Le problème avec la télé, c’est qu’il faut tout faire en un minimum de temps. On n’a
pas le temps de fignoler. Ce sont les horaires qui commandent. Tant pis si on n’est
pas content du résultat, il faut passer à autre chose et oublier ce qui est raté. Moi je
suis d’un tempérament perfectionniste. J’aime faire les choses le mieux possible. Je
veux que les gens entendent et regardent ce que j’ai fait, sachant que j’y ai mis le
meilleur de moi-même. Je pense que je dois cette politesse à mon public. Pendant le
tournage, je me souviens que l’éclairage était minable, les décors bâclés, et notre
chorégraphie était improvisée à la dernière minute. Et pourtant cette émission eut un
gros succès. Il y avait un autre programme très populaire sur une chaîne rivale qui
passait à la même heure que nous, et nous avons remporté le meilleur taux d’écoute.
CBS voulait vraiment nous garder, mais j’avais la certitude que ce show était une
erreur. En effet, nos ventes de disques ont diminué à la suite de cela et il a fallu du
temps pour réparer les dégâts. Quand on sait qu’on est en train de se tromper, c’est
difficile de prendre la décision d’arrêter et de faire confiance au " bon instinct ".

J’ai très peu fait de télé après ça. Je me souviens seulement d’une émission spéciale
sur "Motown 25". Berry m’avait demandé à plusieurs reprises d’y participer et je
m’entêtais à refuser, mais il a fini par me convaincre et j’ai accepté. Je lui dit que je
voulais chanter "Billie Jean", même si c’était le seul titre du show qui n’avait pas été
enregistré chez Motown. Il accepta volontiers. "Billie Jean" était numéro UN à
l’époque. Mes frères et moi, nous avons répété comme des fous pour ce show. J’ai
trouvé la chorégraphie des différents pas de danse, et je me suis complètement
plongé dans la préparation de ce numéro. Mais je savais exactement ce que je
voulais faire avec " Billie Jean ". Tout en faisant autre chose, je sentais que la
chorégraphie se construisait dans ma tête, inconsciemment. J’ai demandé qu’on aille
m’acheter ou me louer un chapeau noir à la James Bond et le jour même du

spectacle, j’ai commencé la mise en place. Je n’oublierai jamais ce soir-là, parce
que, quand j’ai ouvert les yeux à la fin, les gens étaient debout en train de
m’applaudir. J’étais bouleversé par leur réaction. Je me sentais tellement bien.

Notre seul moment de succès tout de suite après Motown pour Epic, fut cette soirée
télévisée. C’est à ce moment-là que Kenny Gamble et Leon Huff nous ont proposé
des maquettes de chansons. On nous a dit qu’on enregistrait à Philadelphie dès que
tous nos spectacles seraient terminés.

Celui qui avait le plus à gagner dans ce changement de maison de disques, c’était
Randy, qui faisait désormais partie des Jackson 5. Motown nous avait prévenus que
nous n’avions pas le droit d’utiliser notre nom de groupe, " Jackson 5 " dans un autre
contrat car ils avaient l’exclusivité de notre nom, et c’était de bonne guerre, c’est
pourquoi nous nous sommes appelés " The Jacksons ".

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Papa avait rencontré les types de Philly pendant les négociations avec Epic. Nous
avions toujours eu beaucoup de respect pour les disques que Gamble et Huff avaient
réalisé tels que "Backstabbets " par les O’Jays, " If You Don’t Know Me By Now " par
Harold Malvin et The Blue Notes (avec Teddy Pendergross). " When Will I See You
Again " par The Three Degrees, et j’en oublie bien d’autres. Ils rassurèrent papa en
lui disant qu’ils nous avaient bien observés et qu’ils allaient faire très attention à bien
nous servir. Papa ajouta que nous aimerions écrire une ou deux chansons pour notre
prochain album, et ils promirent de nous écouter sans préjugés. On a donc rencontré
toute l’équipe : Kenny, Leon avec Mc Fadden et John Whitehead. Ils nous ont montré

ce qu’ils avaient déjà fait pour eux, comme " Ain’t No Stoppin’ Us Now " en 1979.
Dextor Hanzel faisait partie de l’équipe.

Kenny Gamble et Leon Huff sont des vrais pros et j’ai beaucoup appris sur la façon
dont on écrit une chanson en les regardant travailler. Rien qu’en observant Huff au
piano pendant que Gamble chante, on a tout compris sur l’anatomie d’une chanson.
Kenny Gamble est un maître de la mélodie. C’est en le voyant créer que j’ai compris
l’importance qu’il faut attacher à la mélodie. Je restais assis des heures, comme un
rapace, sans bouger, et j’observais chaque décision, j’écoutais chaque note. Ils
venaient dans notre hôtel et ils jouaient assez de musique pour faire un album. C’est
ainsi qu’ils nous ont présenté les chansons qu’ils avaient choisies pour notre disque,
en dehors des deux nôtres. Ce fut un grand moment.

Nous avions déjà préparé des maquettes de nos chansons à la maison durant les
intervalles entre nos émissions de télé, mais nous voulions attendre encore un peu. Il
n’y avait pas d’urgence pour leur mettre trop de pression. Nous savions que Philly
avait beaucoup à nous offrir et nous lui réservions cette surprise plus tard.

Nos deux chansons, " Blues Away " et " Style of Life " étaient des secrets bien trop
difficiles à garder car nous en étions tellement fiers. " Style-life " était sorti d’une
improvisation que Tito avait dirigée et qui ressemblait un peu au " groove " de "
Dancing Machine ". Mais c’était plus " hard " que si Motown l’avait supervisé.

" Blues Away " est une de mes toutes premières chansons, et même si je ne la
chante plus, je n’ai pas honte de la réécouter. Je n’aurais pas pu continuer ce métier
si je finissais par détester mes propres disques après autant de travail. C’est une
chanson légère sur le thème d’un moment de dépression qui se termine bien.
J’aimais beaucoup la chanson de Jackie Wilson " Lonely Teardrops " et sa façon de
rire malgré l’intolérable chagrin à l’intérieur.

Quand nous avons vu la pochette de l’album des " Jacksons ", le premier de chez
Epic, nous avions l’impression d’avoir tous la même tête sur la photo. Même Tito
avait l’air maigre ! Je portais encore mes cheveux Afro, alors on ne se distinguait pas
vraiment des autres. Pourtant, sur scène, quand nous avons commencé à chanter
nos nouvelles chansons, comme " Enjoy Yourself " et " Show You The Way To Go "
les gens savaient que j’étais toujours le deuxième à gauche, à l’avant. Randy prit la
place habituelle de Tito et Tito reprit la place de Jermaine. Il m’a fallu longtemps pour
m’y habituer, et pourtant Tito n’y était pour rien.

Ces deux quarante-cinq tours étaient très sympas. " Enjoy Yourself " était super à
danser. Il y avait une rythmique et une section de cuivres excellentes. Ce fut aussi un
Numéro UN. J’ai personnellement plus de penchant pour le second titre parce que "
Show You The Way To Go " montre que les gens de chez Epic ont cherché à mettre
en valeur nos voix. Il y a des parties de chant sur tout le disque, et c’est le meilleur
qu’on ait fait ensemble. Je suis surpris que ce titre n’est pas eu autant de succès, car
j’adore les tenues de cordes et les sons de cymbales, comme des ailes d’oiseaux.

Nous avons essayé de parler de nos relations fraternelles dans une de nos chansons
qui s’appelait " Living Together ", que Kenny et Leon avaient choisie en pensant à
nous. En gros, cette chanson disait : " Si on est là pour durer ensemble, on a intérêt
à s’aimer, à prendre du bon temps, en famille, et à en profiter avant qu’il soit trop
tard..." C’était un message des Jacksons, même si ce n’était pas encore tout à fait le
style Jacksons.

Gamble et Huff avaient écrit assez de chansons pour faire un autre album, mais nous
savions qu’en exécutant ce que , eux, faisaient de mieux, nous perdions une partie
de notre identité. Nous étions ravis de faire partie de la famille Philly, mais ça ne
nous suffisait plus. Nous étions décidés à faire tout ce que nous avions voulu faire
depuis si longtemps. C’est pourquoi nous nous sommes retrouvés dans notre studio
Encino pour retravailler tous en famille. " Going Places ", notre deuxième album pour
Epic, était différent du premier. Il y a avait davantage de chansons à message et
moins de chansons pour la danse. Nous savions que le message de paix, sur une
musique élaborée était la chose à faire, mais ce n'était pas encore notre vrai style.

Après tout, ce n’était pas mauvais qu’il n’y ait aucun titre pop sur " Going Places ",
parce que la chanson " Different Kind Of Lady " est devenue le choix le plus évident
pour les discothèques. Ce titre était placé au milieu de la face A, entre des chansons
de Gamble et Huff, et la nôtre est partie comme une fusée. C’était vraiment un titre
explosif, avec les cuivres qui ponctuaient chaque accent comme des points
d’exclamation, exactement comme nous l’entendions. C’est le son que nous
cherchions à donner quand on faisait nos maquettes avec notre vieil ami Bobby
Taylor avant d’aller chez Epic. Kenny et Leon n’avaient plus qu’à mettre la touche
finale. Le glaçage en chocolat sur le gâteau, mais cette fois, c’est nous qui l’avions
préparé et fait cuire nous-mêmes.

Une fois que " Going Places " fut mis en place pour la vente, papa me demanda de
venir avec lui pour rencontrer Ron Alexenburg. Ron nous signa un contrat chez CBS
car il croyait très fort en nous. Il fallait le convaincre que nous étions prêts à prendre
la direction de notre propre musique. Nous avions de quoi le prouver, et nous avons
expliqué que nous voulions travailler avec Bobby Taylor. Bobby nous avait secondés
toutes ces années, et nous étions sûrs qu’il ferait un super directeur artistique pour
tout. Epic exigeait que nous restions avec Gamble et Huff parce qu’ils avaient fait des
hits, mais notre association ne collait pas.. Nous étions peut-être les mauvais
jockeys, ou bien nous étions les mauvais chevaux, parce que leurs chansons, avec
nous, ne se vendaient pas, et ce n’était pas notre faute. Notre conscience morale a
toujours renforcée notre attitude dans le travail.

Mr Alexenburg avait l’habitude de traiter avec des artistes, ce qui ne l’empêchait pas
d’être aussi tranchant avec ses amis du business que les musiciens comme nous,
peuvent l’être entre eux. Mais papa et moi étions sur la même longueur d’ondes
quand il s’agissait de l’aspect business de la musique. Les gens qui font de la
musique et les gens qui vendent les disques ne sont pas ennemis pour autant. Moi je
mets autant de moi dans ce que je fais, qu’un musicien classique et je fais tout ce
que je peux pour atteindre le plus large public possible. Les gens des compagnies de
disques aiment leurs artistes, et eux aussi cherchent à atteindre un marché très
vaste. Tout en mangeant le délicieux repas qu’on nous avait apporté dans le bureau
de l’état-major de CBS, nous avons déclaré à Mr Alexenburg, que la maison Epic
avait fait de son mieux pour nous, mais que ce n’était pas suffisant. Nous sentions
que nous pouvions faire mieux, et que notre réputation valait la peine d’être mise au
défi.

Après avoir quitté le gratte-ciel surnommé Black Rock, nous n’avons pas beaucoup
parlé papa et moi. Chacun réfléchissait dans la voiture pendant notre retour à l’hôtel.
Il n’y avait pas grand -chose à ajouter à ce qui avait été dit. Toute notre vie était
orientée en vue de cette rencontre, apparemment sereine et polie. Je sais que Ron
Alexenburg sourit souvent quand il pense à cette confrontation.

Quand cette entrevue au QG de CBS a eu lieu à New-York, je n’avais que dix-neuf
ans. Je portais déjà un poids considérable sur mes épaules pour mon âge. Les gens
de ma famille s’en remettaient de plus en plus à moi pour le business et les décisions
artistiques, et j’étais très anxieux, car je ne voulais pas les induire en erreur.

Et puis j’ai eu cette occasion de faire quelque chose que
j’avais voulu faire toute ma vie : jouer dans un film. Comble
d’ironie, ce sont mes contacts avec Motown qui me permirent
de réaliser ce rêve.

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Motown avait acheté les droits pour filmer le spectacle Le
Magicien d’OZ au moment où nous quittions la compagnie. "
The Wiz " était une version moderne, " noire ", du film célèbre
que j’avais toujours adoré. Je me souviens que quand j’étais
môme, ce film passait à la télé tous les ans, et toujours un
dimanche soir. Les enfants d’aujourd’hui ne peuvent pas
imaginer l’importance de cet événement parce qu’ils
grandissent avec la vidéocassette et la télé par câble, ce qui
leur donne un choix considérable.

J’avais vu le spectacle du Magicien d’Oz à Broadway également. Je jure que j’ai vu
ce spectacle au moins six ou sept fois. Par le suite, je suis devenu ami avec la star
du show, Stéphanie Mills, la " Dorothée " de Broadway. Je lui ai dit alors, et je l’ai
toujours cru depuis, que c’était vraiment dommage que sa performance sur scène ne
soit pas immortalisée à l’écran. J’ai pleuré à chaque fois en voyant ce spectacle.
Pourtant, je ne sais pas si j’aurais aimé y jouer. Moi, j’aime bien pouvoir juger ce que
j’ai fait, que ce soit sur bande ou sur pellicule, pour pouvoir améliorer, perfectionner,
la performance. On ne peut pas faire ça avec un spectacle en direct. Je suis toujours
triste quand je pense à tous les grands acteurs qui ont donné des représentations
que nous ne verrons jamais, et qui sont perdues pour toujours, simplement parce
qu’elles n’ont pas été enregistrées.

Si on m’avait demandé de monter sur scène, cela aurait pu se faire à cause de
Stéphanie, mais elle était tellement émouvante que je me serais mis à pleurer sous
le nez du public. Motown acheta le " Wiz " pour une seule raison : donner le rôle
principal à Diana Ross, et pour ma part, je pense que c’était la meilleure des
motivations.

Diana était très proche de Berry Gordy et elle était fidèle à Berry, comme à Motown,
mais elle ne nous oubliait pas sous prétexte qu’on avait signé avec un autre label.
Nous étions toujours en contact avec elle, malgré ces changements, et elle nous
avait rencontrés à Las Vegas, où elle nous donna un sacré coup de pouce quand on
y travaillait. Diana devait jouer le rôle de Dorothée et elle m’encouragea à auditionner
pour les rôles à pourvoir. Elle me rassura en me disant que les gens de Motown ne
m’en voudraient pas d’être dans une maison de disques concurrente et qu’ils ne
m’empêcheraient pas d’avoir le rôle, juste par dépit. Elle en faisait son affaire, et elle
me le garantissait.

En réalité, elle n’eut pas besoin de le faire car Berry Gordy déclara qu’il serait ravi de
me voir auditionner pour " The Wiz ". J’avais beaucoup de chance qu’il réagisse
ainsi, car grâce à cette expérience j’ai été contaminé par le virus des acteurs. J’avais
envie de tourner un film et c’était la chance de ma vie. Quand on fait un film, on
capture quelque chose d’éphémère et on arrête le temps. Les gens, leur histoire,
l’histoire du film devient quelque chose qui va pouvoir être reçu dans le monde entier
par plusieurs générations. Faire un film est très excitant. C’est un gros travail
d’équipe et c’est amusant, en même temps. J’ai très envie de m’y consacrer à
l’avenir.

J’ai auditionné pour le rôle de l’Épouvantail parce que je trouvais qu’il correspondait
à mon style. J’étais trop félin pour l’Homme-en-fer-blanc, et pas assez pour le Lion, à
cause de ma petite taille. Une fois le personnage choisi, j’ai mis toute mon énergie,
toutes mes pensées dans la lecture et la chorégraphie de mon rôle. Lorsque le
réalisateur Sydney Lumet m’appela, j’étais fier d’avoir été accepté mais j’avais peur.
Le tournage d’un film était une nouveauté pour moi, et j’allais abandonner mes
responsabilités envers ma musique et ma famille pendant plusieurs mois. J’avais
visité New-York où le tournage devait avoir lieu, pour sentir l’atmosphère de Harlem
qui imprégnait l’histoire du " Wiz ", mais je n’y avais jamais vécu. J’ai été surpris de
m’habituer si vite à ce style de vie. J’étais ravi de rencontrer tout un groupe de gens
dont j’avais toujours entendu parler sur l’autre côté des États-Unis, mais que je ne
connaissais pas.

Le tournage du " Wiz " m’a appris beaucoup de choses à bien des niveaux. J’ai
observé, et j’ai appris, en regardant.

Au cours de cette période de ma vie, je cherchais, à la fois consciemment et
inconsciemment, à comprendre ce qui m’arrivait. J’étais anxieux, et je me demandais
ce que j’allais faire de ma vie maintenant que j’étais adulte. Chacune de mes
décisions pouvait engager tout un tas de répercussions dans ma vie future. Quand
j’étais sur le plateau de tournage du " Wiz ", c’était comme une grande école pour
moi. J’avais encore des problèmes d’acné à cette époque-là, et j’étais très heureux
qu’on me maquille car ça ne se voyait plus. C’était un maquillage étonnant. Le mien
prenait cinq heures à réaliser, six jours par semaine. Nous ne tournions pas le
dimanche. Après quelques jours de pratique, la séance de maquillage ne dura que
quatre heures par jour. Les autres, qui se faisaient maquiller en même temps que
moi ne comprenaient pas comment j’arrivais à rester assis aussi longtemps. Ils
détestaient ça, mais moi j’aimais bien qu’on me mette tous ces trucs sur la figure.
Quand je me retrouvais déguisé en épouvantail, j’étais émerveillé. Je pouvais devenir
quelqu’un d’autre et échapper à ma réalité, à ma personnalité. Les enfants venaient
me voir, et je m’amusais tellement avec eux sur le plateau, dans mon costume.

Quand auparavant je m’étais imaginé jouer dans
un film, je m’étais toujours vu habillé élégamment
mais c’est au contact des techniciens, des
maquilleurs, des accessoiristes et des costumiers,
à New-York, que j’ai découvert les aspects de ce
métier merveilleux qu’est le cinéma. J’avais
toujours adoré les films de Charlie Chaplin, et on
ne peut pas dire qu’il ait choisi de bien s’habiller au
temps du muet. Moi, je voulais donner la même
impression de qualité du personnage dans ma
tenue d’épouvantail. J’aimais tout dans ce
costume : la tomate en guise de nez, la perruque
en paille, et j’ai même gardé le pull blanc et orange

et je m’en suis resservi plus tard pour une séance

photo.

Dans ce film, il y avait des pas de danse très compliqués, et je n’avais aucun
problème pour les apprendre. Mais cette facilité fut la cause de problèmes inattendus
avec mes partenaires.

Depuis que je suis tout petit, j’ai ce don de pouvoir imiter n’importe quel danseur, rien
qu’en le regardant faire ses gestes, une seule fois. Pour d’autres, il faut certainement
reproduire chaque mouvement, chaque pas, l’un après l’autre, avec tout ce que cela
comporte de réflexion : ma hanche part à droite et mon pied gauche, si je fais ça et
puis ça, et mon cou bien droit, en arrière...mais moi je n’ai qu’à regarder et je le fais
aussitôt.

Pendant les répétitions du " Wiz ", le chorégraphe nous montrait les différents
mouvements, et je me rendais compte que mes partenaires, l’Homme-en-fer-blanc,
le Lion et Diana Ross, me faisaient la tête. Je ne comprenais pas pourquoi, jusqu’au
moment où Diana est venue me trouver et m’a expliqué que je la mettais mal à
l’aise ?

Elle me déclara alors que, même si je n’en étais pas conscient, j’apprenais les pas
de danse beaucoup trop vite. C’était gênant pour elle et les autres, qui n’arrivaient
pas à suivre aussi vite les indications du chorégraphe. Je reproduisais
instantanément tout ce qu’il montrait sans le moindre effort, et eux avaient beaucoup
de mal à apprendre ces pas. Elle me fit rire et je lui promis de dissimuler ma trop
grande facilité pour ne pas embarrasser les autres.

J’ai découvert les aspects un peu pervers des acteurs qui cherchent à vous
déconcerter quand vous êtes devant une caméra. Au beau milieu d’une scène
dramatique, il n’était pas rare que quelqu’un me fasse des grimaces sous le nez pour
me faire rire. J’ai toujours pris mon travail tellement au sérieux que ce genre
d’attitude me semble méchante. C’est un manque de professionnalisme et je trouve
ça impoli et injuste.

Par la suite, Marlon Brando m’a raconté que les gens lui faisaient ça tout le temps.
Mais les problèmes étaient rares sur le plateau et c’était merveilleux de travailler
avec Diana de façon aussi intime. C’est une femme magnifique et bourrée de talent.
Je l’aime énormément et je l’ai toujours aimée.

Je me suis bien amusé pendant cette période, mais en même temps j’ai eu des tas
d’angoisses et de tensions dues au surmenage. Je me souviens que le 4 juillet,
j’étais à la plage devant la maison de mon frère Jermaine, et je courais dans les
vagues. Tout à coup je me suis arrêté de respirer. Plus d’air. Rien. J’essayais de ne
pas paniquer. Je me demandais ce qui n’allait pas, en courant vers la maison de mon

frère. Là, Jermaine m’emmena à l’hôpital. C’était fou ! Un vaisseau avait éclaté dans
mes poumons, ça ne s’est jamais reproduit, même s’il m’arrive de sentir des
picotements dans cette région. Mais c’est peut-être mon imagination. J’ai appris plus
tard que c’était une forme de pleurésie. Mon médecin me suggéra de ralentir mon
rythme de travail, mais ce n’était pas possible. La règle du jeu, dans mon cas, exige
beaucoup de travail.

J’avais beaucoup aimé l’ancienne version du " Magicien d’Oz " (The Wizard of Oz),
mais ce nouveau script différait du spectacle de Broadway. L’esprit était le même,
toutefois il était ouvert à plus de questions, et comportait plus de réponses aussi.
Dans l’histoire originale, on est en plein royaume magique pour conte de fées. Dans
la nouvelle version, le décor était plus proche de la réalité d’aujourd’hui. Les enfants
pouvaient reconnaître les cours d’école, les stations de métro et le quartier d’où
venait Dorothée.

J’ai toujours autant de plaisir à revoir " The Wiz " et à me rappeler cette expérience.
J’adore en particulier la scène où Diana demande : " De quoi ai-je peur ? Je ne sais
pas en quoi je suis faite..." Parce que moi, j’ai éprouvé cette impression très souvent,
même dans les meilleurs moments de ma vie. Elle parle du pouvoir de surmonter la
peur et de marcher dans la vie, la tête haute. A ce moment-là, elle sait, et le public le
sait aussi, qu’aucun danger ne peut l’atteindre.

Mon personnage avait beaucoup de choses à dire et à apprendre. J’étais planté là
sur mon piquet, avec des corbeaux ricaneurs qui volaient autour de moi en se
moquant de moi pendant que je chantais " You can’t Win " (tu ne peux pas gagner).
C’est l’impression que beaucoup de gens éprouvent un jour ou l’autre, et ça parle de
l’humiliation et du sentiment de découragement qui nous étreint quand les gens, au
lieu de vous soutenir, vous enfoncent encore plus en aggravant votre sentiment
d’insécurité, votre manque de confiance en vous. Dans ce script, j’avais des tas de
réponses et de citations sous forme de messages parsemés, dans la paille de ma
perruque, et je tirais les réponses au hasard sans savoir comment m’en servir. La
paille de ma perruque contenait toutes les réponses, mais je ne connaissais pas les
questions.

La grande différence entre les deux histoires c’est que dans la version originale, c’est
la bonne fée et ses amis qui donnent à Dorothée la solution à tous ses problèmes,
alors que dans notre version, c’est Dorothée qui arrive à ses propres conclusions.
Elle a le courage de défendre ses amis et de se battre avec Elvina, et son
personnage est étonnant. Je garde en moi constamment le souvenir de la façon dont
Diana a joué et dansé dans ce film. Elle a été une Dorothée parfaite.

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Quand le bien triomphe du mal et que je danse avec Diana avec cette joie qu’on
avait tous les deux, c’est comme si le film était une version résumée de ma propre
histoire. Tout était sens dessus-dessous et j’ai montré tout ce que je savais faire
depuis que j’étais tout petit. Quand mon père et mes frères ont su que j’avais obtenu
le rôle, ils ont cru que ça serait trop pour moi, ce fut le contraire. " The Wiz " m’a
donné de l’inspiration et de la force. Mais que faire de ces choses et comment les
canaliser et les mettre à profit par la suite ?

Pendant que je me posais cette question, j’ignorais qu’un homme voyageait sur un
chemin parallèle au mien et que nos routes allaient se croiser sur le plateau du " Wiz
". Je me souviens que c’était pendant une répétition, à Brooklyn, et nous lisions nos
textes à voix haute, tous ensemble. Je croyais que c’était difficile d’apprendre un
texte par coeur et de donner la réplique, mais j’ai été agréablement surpris. Tout le
monde était gentil avec moi en me disant que c’était très facile, et c’était vrai.

Ce jour-là, nous étions en train de faire la scène des corbeaux. Les autres acteurs
n’étaient pas visibles dans cette scène parce qu’ils avaient tous leurs costumes de
corbeaux. Apparemment, ils connaissaient leur texte par coeur. J’avais bien appris le
mien, mais je ne l’avais pas encore dit plus de deux fois.

Je devais, d’après le script, tirer un petit papier de ma paille d’épouvantail et le lire.
C’était une citation. Le nom de l’auteur, Socrate, était écrit à la fin. Il faut dire qu’en
anglais, les noms d’origine grecque sont rares et difficiles à prononcer. Et, comme
j’avais déjà lu Socrate, mais que je n’avais jamais eu à l’occasion de prononcer son
nom, je me suis planté. J’ai prononcé un " S " au lieu d’un " Z " pour " Socrate ", à la
fin du mot.
Quelqu’un me souffla la bonne prononciation, et en levant les yeux, je reconnus
vaguement cet homme, qui n’avait pas l’air d’un acteur, mais qui cependant faisait
partie de l’équipe. Je me souviens qu’il avait l'air très sûr de lui, et que son visage
était très sympathique.

Je lui souris, vaguement embarrassé d’avoir mal prononcé ce nom, et le remerciai de
son aide. J’avais déjà vu son visage quelque part. Il me tendit la main et confirma
aussitôt mes doutes.

" Quincy Jones, c’est moi qui écris la musique. "

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Commentaires
L
Merci l'autobiographie est géniale <br /> J'ai la version française mais ce n'est pas les mêmes photos, alors est ce que c'est toi qui a mis ces photos ou a tu pris celle de la vrai version et donc c la mienne qui a des mauvaise photos . <br /> Ce qui serai bizzare car j'ai meme les commentaire de mj sur certaines photos. Comme par exemple:<br /> Moment de tendresse avec diana ross .<br /> Ou : mon gout pour les chapeaux était déjà évident bien avant bille Jean .
Répondre
L
encore un grand merci pour l'autobiographie traduite!!!!!! c un réel plaisir! j'attend la suite avec ompatience!<br /> <br /> Dites- moi, vous avez pu voir le show d'Oprah consacré à MJ le 16 septembre courant?<br /> J'aimerai bien connaître les détails! j'arrive pas à trouver la vidéo ! par contre y a des coms qui disent qu'elle a été décevante! y a juste l interview de 1993 sur youtube!<br /> <br /> merci de me répondre!<br /> khomsi_lamyae@yahoo.fr
Répondre
Mijac3
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